Les outils de transparence proposés par X sont « une déception totale », tandis qu’Apple, TikTok et LinkedIn ne sont pas beaucoup plus performants.

Comme le soulignent les études de Mozilla et de CheckFirst publiées aujourd’hui, aucun des outils de transparence publicitaire créés par 11 des plus grandes entreprises du secteur technologique pour soutenir les organismes de surveillance de la publicité ne fonctionne aussi bien que prévu, ce qui rend les électeurs du monde entier vulnérables à la désinformation et à la manipulation.

Ces outils, imposés par l’article 39 du règlement sur les services numériques (DSA, Digital Services Act) de l’Union européenne, permettraient aux enquêteurs de superviser un grand nombre de problématiques, telles que la désinformation électorale, en contrôlant le contenu publicitaire, les critères de ciblage et la portée des publicités. Au mois de mars, l’UE a adopté des règles de transparence supplémentaires concernant la communication électorale, afin de limiter la désinformation électorale, les référendums et les processus législatifs. Ce règlement définit des exigences supplémentaires pour les référentiels publicitaires, mais ces changements n’entreront en vigueur qu’après les élections européennes de juin prochain. Du fait que les multinationales technologiques apportent souvent des modifications à leurs plateformes pour se conformer aux réglementations internationales, le règlement de l’UE pourrait avoir un effet considérable dans les pays non membres de l’UE où se tiennent des élections importantes cette année, comme les États-Unis, le Mexique et l’Inde, provoquant un effet domino sur la façon dont la publicité est gérée et contrôlée sur ces plateformes dans le monde entier.

Selon une étude, intitulée « Full Disclosure: Stress-testing tech platforms' ad repositories », les référentiels sont entravés par des données manquantes, des bogues, des fonctionnalités médiocres et des lacunes inacceptables.

Mozilla and CheckFirst ont enquêté sur AliExpress, l’App Store d’Apple, Bing, Booking.com, Google Search et YouTube du groupe Alphabet, LinkedIn, Meta, Pinterest, Snapchat, TikTok, X, et Zalando. Les chercheurs ont testé les outils de transparence en se basant sur plus de 20 paramètres, notamment la fonctionnalité, l’accessibilité des données et la précision. Les paramètres sont basés sur la DSA ainsi que sur les directives de la bibliothèque publicitaire de Mozilla.

Les référentiels laissent souvent planer une grande incertitude quant à l’identité des annonceurs, et le système peut facilement être détourné. Meta divulgue l’identité du bénéficiaire et du payeur, tandis que la plupart des plateformes mentionnent « l’annonceur » ou le « sponsor » sans plus de contexte. TikTok, Bing, et Google, par exemple, indiquent l’emplacement du siège social de la partie qui finance l’annonce. Les référentiels ignorent environ la moitié de la population mondiale qui devrait prendre part aux élections de 2024 et qui n’est donc pas informée de l’identité des annonceurs qui se cachent derrière le contenu publicitaire qu’elle consomme.

« Les outils de transparence de X sont une déception totale », a déclaré Claire Pershan, responsable du plaidoyer pour l’UE chez Mozilla. Son référentiel n’offre aucune possibilité de filtrage et de tri ; les publicités ne sont accessibles que par le biais d’un fichier d’exportation CSV encombrant ; le contenu des publicités n’est pas divulgué (seulement une URL renvoyant aux publicités), et il subsiste des lacunes dans les paramètres de ciblage et les données relatives aux destinataires. De plus, la recherche de contenu historique est pratiquement impossible. Tout cela explique peut-être pourquoi la Commission européenne a inclus le référentiel publicitaire de X dans la procédure formelle qu’elle a engagée contre la plateforme en vertu de la loi sur la protection des données.

Apple, LinkedIn et TikTok s’en sortent à peine mieux, mais seulement par comparaison, car ces entreprises présentent également d’importantes lacunes en termes de données et de fonctionnalités. La plupart des outils sont entravés par des limites de capacité de recherche, des fonctions de tri et de filtrage médiocres, une accessibilité limitée, et bien d’autres éléments encore.

Tableau illustrant l’efficacité des bibliothèques publicitaires des plates-formes

D’après Claire Pershan, « les outils de transparence publicitaire sont essentiels à la responsabilisation des plateformes, ils constituent une première ligne de défense, un peu à la manière des détecteurs de fumée. Cependant, nos recherches révèlent que la plupart des grandes plateformes mondiales n’offrent pas de référentiels publicitaires valables et fonctionnels. Les outils actuels ont beau exister, dans certains cas, c’est à peu près tout ce que l’on peut en dire ».

Les outils de transparence publicitaire sont essentiels à la responsabilisation des plateformes, ils constituent une première ligne de défense, un peu à la manière des détecteurs de fumée. Cependant, nos recherches révèlent que la plupart des grandes plateformes mondiales n’offrent pas de référentiels publicitaires valables et fonctionnels. Les outils actuels ont beau exister, dans certains cas, c’est à peu près tout ce que l’on peut en dire.

Claire Pershan, responsable du plaidoyer pour l’Union européenne, Mozilla

Amaury Lesplingart, directeur technologique et cofondateur de CheckFirst, a ajouté : « Il est essentiel de savoir qui finance les publicités et comment elles sont ciblées pour aider les organismes de surveillance à défendre l’intérêt public, qu’il s’agisse d’élections équitables, de santé publique ou de justice sociale. Par exemple, si vous voyez une publicité qui explique dit que le changement climatique est un canular, il serait peut-être intéressant de savoir si cette publicité est financée par l’industrie pétrolière ».

En plus de l’évaluation des outils, les chercheurs de Mozilla formulent plusieurs recommandations à l’intention des plateformes et des décideurs politiques. En voici quelques-unes : les plateformes devraient améliorer les fonctionnalités de recherche et de filtrage, et fournir une meilleure documentation et des fonctions d’aide. Les décideurs politiques devraient quant à eux exiger la normalisation des API entre les plateformes afin d’améliorer la facilité d’utilisation et de simplifier la recherche interplateforme, et renforcer les exigences en matière de contenu de marque.

Les chercheurs de Mozilla et de CheckFirst ont également proposé une recommandation pour un format de publicité numérique normalisé (SDAF, Standardized Digital Advertising Format), une norme permettant d’offrir une vue d’ensemble des campagnes publicitaires numériques.

Cette étude est complémentaire aux autres travaux de Mozilla concernant les élections de 2024, tels que l’analyse des politiques d’intégrité électorale des plateformes et l’évaluation des techniques de détection des contenus synthétiques.

Constatations supplémentaires

Publicités manquantes. Nos contrôles d’exactitude ont révélé de nombreux cas où les publicités de l’interface utilisateur ne se trouvaient pas dans le référentiel publicitaire. Cela peut réduire l’utilité et la fiabilité des référentiels en tant qu’outil de transparence.

Différents degrés « d’accessibilité publique ». L’accessibilité des référentiels web et des API varie en fonction de facteurs tels que la nécessité d’une connexion et d’une demande formelle : d’un côté, des plateformes telles qu’Apple et Booking offrent un accès au référentiel web et à l’API sans qu’il soit nécessaire de posséder un compte, mais d’autre part, Snap et Aliexpress ne disposent d’aucune API, du moins au moment de la rédaction du présent article.

Les fonctions de recherche font défaut. L’absence d’options de filtrage et de tri compromet l’efficacité de la navigation dans les référentiels publicitaires. Alors que TikTok offre des options de tri utiles et que Meta et Bing proposent des options de filtrage pertinentes, parmi les VLO analysés, aucun n’offre à la fois des options de tri et de filtrage.

Les contenus d’influenceurs rémunérés ou « contenus de marque » restent difficiles à identifier. Parmi les plateformes analysées, seule une poignée dispose d’un référentiel pour les contenus de marque ou créés par des influenceurs, même si nombre d’entre elles autorisent les contenus d’influenceurs sur leurs services. De précédentes recherches de Mozilla ont montré que ce type de contenu n’est pas suffisamment divulgué, et ce problème semble persister selon une récente étude sur TikTok menée par la Stiftung Neue Verantwortung.


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